Grainothèque, faire revivre la biodiversité en Côte d’Ivoire
Rencontre avec Daniel Oulaï, qui redynamise l’agriculture de Côte d’Ivoire. Il anime un espace de travail collaboratif, Ayihalo, et a été à l’initiative de la Grainothèque. Ce dernier projet vise à préserver les sous variétés d’espèces de plantes nourricières et libéraliser l’usage des semences de ces dernières.
La Grainothèque en quelques mots
Ce projet, vise non seulement à préserver les sous variétés d’espèces de plantes nourricières mais également de faire revenir des espèces disparues.
L’idée était de s’intéresser aux bibliothèques communautaires et d’apporter un nouveau rayon dédié aux semences de plantes nourricières avec de la documentation. Cela coïncide avec leur volonté d’ouvrir la bibliothèque à des paysans qui n’en auraient pas franchi les portes. Les personnes qui se rencontrent dans les espaces grainothèques pourront échanger des techniques de reproduction de semences.
Les fiches techniques permettent à n’importe qui de pouvoir utiliser le potentiel maximal d’une plante. Les informations données sont diverses: nom scientifique et en langues locales; technique de reproduction (feuille, graine, bouture); utilité nourricière (composants organiques de la plante); les plantes pouvant être associées; etc.
En plus de l’espace bibliothèque, il y a une ferme pédagogique dédiée à cultiver certaines de ces plantes, dès que l’espace le permet. Cela permet de faire des essais d’association et de créer du compost.
Pourquoi avoir créé la Grainothèque ?
Daniel m’explique qu’il a constaté une perte de 75% des espèces de plantes nourricières. Plusieurs raisons peuvent être des éléments de réponse, notamment la standardisation du système agricole, les semences hybrides, la monoculture, l’utilisation intensive d’herbicide..
L’envie de préserver cette diversité existante, de reproduire et de dupliquer ces plantes en voie de disparition ont été à l’origine de la création de la Grainothèque. Il veut remettre la lumière sur ces plantes qui n’ont pas qu’une valeur nourricière mais aussi culturelle.
En octobre 2015, il ouvrait le premier espace de stockage, et la création d’un espace pour cultiver certaines plantes.
Les déviances de la monoculture
La monoculture est un sérieux problème en Côte d’Ivoire. A l’origine, l’agriculture en Côte d’Ivoire reposait sur l’activité des familles paysannes qui étaient habituées à leurs plantes traditionnelles. Puis, avec l’arrivée de nouvelles plantes qui ont été intégrées dans le système, les modèles d’agriculture ont changé. Les premières grandes fermes de monoculture sont apparues, et les agriculteurs ont cru qu’il fallait aller dans ce sens, entraînant l’utilisation intensive de produits chimiques.
Avec les fermes, de nouvelles méthodes ont vu le jour, comme l’agriculture en ligne. Aujourd’hui on ne compte plus les terrains occupés par la monoculture. Le problème, est que l’agriculteur ne produit plus ce qu’il consomme. Aujourd’hui ont fait de la culture de rente, souvent destinées à l’exportation. Cette dépendance de l’agriculture dites d’importation, maintient les agriculteurs dans un cercle vicieux.
La monoculture concernent en majorité le cacao, l’hévéa, le café, le palmier à huile, le coton, l’anacarde, la banane, l’ananas et l’hibiscus.
Quels types de plantes la Grainothèque cherche-t-elle à préserver ?
Les plantes nourricières sont le riz, le mais, le mil, le sorgho, le manioc et le taro. Les plantes condimentaires qui ne sont pas documentées sont le pkrolê (utilisé pour faire la sauce) ; sran (plante dont on sèche les feuilles pour les transformer en poudre que l’on rajoute dans des sauces).
Suite à une étude communautaire, les acteurs de la Grainothèque ont pu identifier les plantes en usage et en raréfaction, ils ont ensuite collecter les semences de ces plantes pour les préserver dans les bibliothèques communautaires.
Comment savoir quels types de plantes peuvent être associées ?
ll existe deux approches pour savoir les associations de plantes :
- documentation sur les techniques existantes : comprendre comment fonctionne els plantes. Par exemple, certaines vont capter et fixer l’azote, et d’autres en on besoin pour se reproduire. Sur cette base, et avec la contribution de jeunes chercheur, ils ont pu établir un protocole pour identifier les plantes qui pouvaient être associées.
- observer les pratiques locales : de nombreux agriculteurs faisaient deja des associations sans connaitre les propriétés scientifiques des plantes.
De jeunes chercheurs ont aidé, notamment Tanguy Gnikobou, un béninois spécialisé en agro-écologie qui est venu les aider pendant 6 mois. Il a d’ailleurs créé une ferme pedagogique au Bénin, les jardins de l’espoir.
La vision du future
Daniel espère arriver à intégrer des techniques de permaculture. C’est encore un terme nouveau, selon lui ils ne sont même pas encore à l’agro-écologie, qu’il considère comme la transition entre l’agriculture intensive et la permaculture.
L’approche agricole en Côte d’Ivoire n’est pas scientifique comme en Europe. Les solutions proposées sont des adaptations, basées sur les expériences de l’agriculteur. Il espère développer de nouvelles techniques. Notamment celle nommée MILPA : combiner étroitement trois cultures : maïs, melon, haricot vert. Le melon sert de paillage pour couvrir le sol avec ses feuilles et le mais sert de tuteur à l’haricot.
Les différentes grainothèque en Côte d’Ivoire
Vous pouvez aller visiter les différentes Grainothèques :
- Bibliothèque de treichville “des livres pour tous” : il y a un espace “grainothèque” depuis le 22 juin 2016. En plus des échantillons mis à disposition, ils ont organisé des ateliers pour les enfants.
D’ailleurs, cette bibliothèque a eu le marché de construire une nouvelle bibliothèque en zone rurale pour les paysans, et bien entendu il y aura un espace Grainothèque ! - A la bibliothèque nationale d’abidjan vous pouvez trouver un espace Grainothèque
- Et là où tout a commencé, à Man il y a une ferme communautaire et une grainothèque
Les partenaires
La Bibliothèque Sans Frontières (BSF), a permis d’accélérer le projet en leur proposant une formation de 6 semaines. Les bases de cette formation ont été sur le design thinking, leur modèle économique, le management d’une entreprise et le pitch. De plus, ils ont eu 2000 euros destinés à la communication, la collecte et la reproduction d’un certain nombre de plantes nourricières en raréfaction.
Le gouvernement français, à la suite de la COP 22, leur a promis un soutien financier pour accélérer le projet. Daniel s’est donc mis en contact avec l’ONG française Kokopelli pour acheter des espèces de plantes qu’on ne retrouve plus en Côte d’Ivoire mais que la population consomme. Il va mettre à profit 4 hectares pour reproduire ces semences en grande quantité et les distribuer gratuitement à des paysans. Pour que les paysans en profitent ils vont devoir lui rendre des graines qu’ils pourront récolter après semence. Il y a déjà 22 paysans intéressés qui ont l’espace pour le faire.
Projets futurs
Un des problèmes majeurs auquel font face les agriculteurs est la lutte contre les ravageurs. Il veut donc proposer une alternative pour identité ces ravageur le plus tôt possible et proposer des solutions naturelles. Pour ce faire, il va développer une application qui permet d’identifier la maladie de la plante en faisant une analyse phénotypique.
Ici, les fermiers ont tous des smartphones, mais pas forcément internet. Ils vont donc utiliser un combo (nano serveur qui émet un wifi local), et le mettre à la disposition des agriculteur pour la phase pilote.
Envie de contribuer ?
Vous pouvez contacter Daniel sur sa page Facebook ou son site internet.